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L’ONU dénonce le développement incontrôlé de l’enseignement privé « qui a conduit au renforcement des inégalités dans la jouissance du droit à l’éducation »

Rabat, 24/09/2014

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« L’enseignement privé se développe très rapidement, surtout au primaire, sans la supervision nécessaire concernant les conditions d’inscription et la qualité de l’enseignement dispensé, ce qui a conduit au renforcement des inégalités dans la jouissance du droit à l’éducation ». C’est ainsi que le Comité des droits de l’enfant (CDE) a dénoncé le manquement du Maroc à ses obligations juridiques, mercredi 24 septembre 2014. Ce Comité d’experts de l’Organisation des nations unies (ONU), qui est chargé de surveiller la mise en œuvre de la Convention des droits de l’enfant (ratifiée par le Maroc en 1993), publiait ce jour ses recommandations écrites au Maroc.

« C’est un signal extrêmement fort que lance le Comité des droits de l’enfant. Il lie clairement enseignement privé et inégalités, et donc discriminations. Le CDE indique que ce que le Maroc a fait - laisser se développer un système éducatif qui crée des inégalités et de la ségrégation - est illégal en droit international. Cela montre bien que la croissance de l’enseignement privé au Marocest devenu un enjeu absolument crucial pour la réalisation droits de droits de l’Homme dans le pays » a indiqué Sylvain Aubry, chercheur pour la Global Initiative, Economic, Social and Cultural Rights (GI-ESCR).

Le Comité a également demandé au gouvernement marocain, dans ses recommandations écrites de mercredi qu’il « Évalue et traite les conséquences du développement rapide de l’enseignement privé […] et que les enseignants du secteur public contribuent à l'amélioration de l'éducation au Maroc plutôt que d'être utilisés par le secteur privé […]. »

Khadija Yamllahi, qui est membre du bureau de la Coalition Marocaine pour l’Education pour Tous (CMEPT) et membre  de la commission parelementaire de l'enseignement dela culture et de la communication a résumé la position de la coalition, qui représente plus de 50 organisations de la société civile : « Le Comité a clairement rappelé que chacun au Maroc a droit à un enseignement public, gratuit, et de qualité, et il est tout simplement illégal et inacceptable que de nombreuses familles se retrouvent contraintes de faire de lourds sacrifices financiers pour scolariser leurs enfants dans des écoles privées du simple fait que l’école publique proche de chez eux est médiocre. Le gouvernement doit faire tous les efforts nécessaires à la fois pour s’assurer que l’école publique offre ce que les familles sont en droit d’attendre et pour réguler efficacement les écoles privés, dont beaucoup abusent de leur position de force. »

La  CMEPT et la GI-ESCR ont publié ces derniers mois une série de rapports sur l’impact de la privatisation de l’éducation au Maroc. Ces rapports avaient amené le CDE à questionner les représentants du gouvernement Marocain lors de l’examen oral qu’il avait mené à Genève le 3 septembre 2014, en particulier après Mme Hakaoui avait déclaré au Comité vouloir « promouvoir une compétition libre entre les écoles ».

Mme Yamllahi et M. Aubry ont conclu : « Ces recommandations doivent donner le courage à la société marocaine de s’exprimer sur ce sujet. Il faut que le futur du système éducatif marocain, et le rôle de l’enseignement privé, soient l’objet d’un vrai débat de société. Le Maroc est en train de glisser rapidement vers un modèle où l’éducation est régulée par le marché, à la façon du Chili, et l’expérience a prouvé que de tels modèles sont extrêmement inégalitaires et inefficaces. Nous ne pensons pas que c’est ce que souhaite la société marocaine, et les recommandations du Comité remettent en question une telle évolution, qui pourrait constituer une violation du droit à l’éducation. » La CMEPT et la GI-ESCR se sont en outre déclarées ouvertes à faciliter un dialogue ouvert et constructif sur ce sujet avec le gouvernement, si ce dernier est prêt à le faire de manière transparente.

Les organisations ont enfin indiqué qu’elles vont travailler avec la société civile et toutes les personnes intéressées pour s’assurer que le gouvernement Marocain mette en œuvre les recommandations du CDE, en particulier sur le doit à l’éducation, comme il s’est engagé à le faire à Genève. Elles ont invité toute personne ou organisation intéressée dans cette optique à les contacter.

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